Au milieu
XXXIII Dimanche T.O. –
Les paroles avec lesquelles le Seigneur Jésus nous accompagne vers la fin de cette année liturgique peuvent étonner, mais, en réalité, elles ne surprennent pas du tout. Ce dont parle le Seigneur, n’est, en fait, rien de nouveau, les choses qu’il présente à ses auditeurs sont des réalités terriblement ordinaires dans la vie de notre humanité, soit d’un point de vue extérieur et catastrophique, comme peuvent l’être des tremblements de terre, ou en ce qui concerne les tragédies relationnelles qui se jouent dans le contexte de nos relations les plus chères. De cette façon, le Seigneur nous demande de ne pas nous laisser distraire par les événements qui semblent extraordinaires, pour rester attentifs, vigilants et profondément concentrés sur le point central de notre intériorité et comprendre quelle est notre place, sans l’abandonner – sous aucun prétexte – jusqu’à la fin. La consigne ne laisse aucun doute : « Par votre persévérance, vous sauverez votre vie » ( Lc 21, 19 ). En effet, le règne de Dieu se réalise et s’accomplit, non par l’arrêt ou pire encore par la fuite de notre vécu, mais « au milieu » de tout ce qui fait notre vie et celle de nos frères et sœurs en humanité.
L’apôtre Paul, non seulement atténue les grandes attentes eschatologiques des chrétiens de Thessalonique, mais il les exhorte à ne pas transformer le désir et l’attente du retour du Seigneur en un prétexte pour ne pas vivre entièrement ses propres responsabilités historiques, existentielles et solidaires. Dans ce cas aussi, la consigne est claire : « Nous vous recommandons de gagner le pain en travaillant avec tranquillité » ( 2 Th 3, 12 ). S’il est vrai que nous attendons avec un grand désir l’accomplissement de la promesse et l’avènement du Règne, il est également vrai qu’il a été révélé dans le Christ Jésus et que le schéma prévu pour que tout cela puisse et doit se réaliser est l’incarnation et l’engagement dans l’Histoire. Ce qui nous permet de rejoindre l’horizon eschatologique est, en termes de liberté et de vérité, non en termes d’éloignement ni de superficialité, ou, pire encore, en cédant aux chants des sirènes de la sublimation.
L’Histoire n’est pas une réalité que nous devons subir en attendant, pour ainsi dire, qu’elle se consume ou qu’elle nous absolve de l’important devoir de la traverser et de la transformer. Le défi n’est pas de commencer le compte à rebours à partir de la fin de l’Histoire, mais de commencer chaque matin à donner notre propre contribution à l’Histoire, comme si c’était le premier jour ou aussi le dernier…comme si c’était l’unique. C’est au coeur de nos vies que se croisent magnifiquement le monde présent et celui que nous attendons dans la foi, l’espérance et l’amour. C’est justement en faisant l’expérience des plus grands désirs que nous portons en nous, au contact de l’affrontement nécessaire de ce qui nous est indiqué par les limites, la précarité et le provisoire, que le Règne de Dieu se construit malgré nous, mais jamais sans nous. Chaque situation peut et doit devenir ainsi « une occasion » pour « donner un témoignage » ( Lc 21, 13 ). Le prophète Malachie nous rappelle par de fortes images combien « tous ceux qui commettent l’injustice seront comme de la paille » et que « le jour venu, Il les brûlera » ( Mi 3, 19 ). Soyons donc prudents de ne pas nous laisser « tromper » ( Lc 21, 8 ) tout d’abord par nous-mêmes et ensuite par la paille de nos désirs éphémères et de nos puissants égoïsmes dont « il ne restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit » ( 21, 6 ).




